Chapelle de l'Hôpital Général - 17/03>03/04

Rue Sainte Rose 63000 Clermont-Ferrand

Du mardi au dimanche de 11h à 19h

Entrée libre


Mihai GRECU (Roumanie/France)

Under the centipede sun (2011)

Installation vidéo, 2011
Produit par Vidéoformes, avec le soutien du Programme Culture 2007-2013 de l’Union Européenne pour le projet Moving stories, porté par Contour (B), EMAF (D), Invideo (I), OK Centrum (A), Vidéoformes (F) et WRO (PL), et avec l’aide de : Mathematic Studio, Arcadi, SCAM & Immanence Interactive, Auversun, APRV (Association Promouvoir La Réalité Virtuelle), Reality-Forge.

Under the centipede sun est une œuvre vidéo contemplative et immersive. C’est le portrait d’un no man’s land. Brûlé et stérile, il conserve les traces d’une guerre invisible. Encore fraîche dans la mémoire de ces lieux, cette guerre inconnue est comme un démon du passé qui a laissé des traces un peu partout, créant des sculptures post-apocalyptiques. Il n’y a pas de guerriers humains, seulement des machines : certaines gisent là, inanimées, comme des cicatrices sur le paysage, tandis que d’autres se livrent à une étrange chorégraphie. Ce théâtre post-catastrophe se situe dans un paysage quasi surnaturel, beau et aride. Montagnes, désert, lacs s’étendent comme un aperçu d’infini. Cependant, pris dans un feu destructeur, ces paysages se retrouvent meurtris, mutilés et brisés : la géographie change, elle se mêle à une topographie artificielle post-traumatique.

Le no man’s land est une forme de limite (entre deux forces opposées qui tentent de trouver un équilibre) obéissant à une dynamique chaotique (les deux forces n’atteignent jamais l’état d’équilibre et génèrent une agitation aléatoire). Au sens physique comme au sens métaphorique, nous avons affaire à une hétérotopie, un lieu non-hégémonique. Ce lieu est soumis à des lois différentes, il est en état de crise permanente. Cette crise est alimentée par la conjonction de troubles politiques indéfinis, de violence contenue ou flagrante, de stratégie, de chaos et d’instabilité, le tout modelant la géographie du lieu. Le no man’s land tient une place paradoxale entre deux frontières qui ne devraient logiquement faire qu’une, séparant deux territoires hostiles. Ces deux frontières sont symboles d’exclusion, faisant de ce lieu le résultat d’un double rejet, la seule zone de combat autorisée après l’armistice, le spectre géographique d’une bataille ou d’une guerre. Ainsi, une zone ayant une existence réelle devient un concept paradoxal, un monstre théorique, une entité géographique symboliquement autonome.

Dans cette zone liminale, les traces laissées par les forces destructrices réinventent le paysage – elles déplacent les montagnes, noircissent le ciel, provoquent des tempêtes de sable. Telles des cicatrices sur une peau ou des blessures sur un corps, les impacts laissés par les bombes et les tirs d’artillerie témoignent de violences récentes. Ces déformations sont des exemples de mémoire géologique : la terre est comme une membrane qui réagit aux agressions extérieures. Dans cette vidéo, la nature porte les traces d’un conflit anonyme, et ces traces sont orchestrées par des forces invisibles en une mystérieuse chorégraphie, comme si elles se livraient à un vaste rituel d’après-guerre. La présence de l’humain ne se fait sentir qu’à travers la destruction – dans le paysage meurtri, mais aussi à travers les objets abandonnés (hélicoptères, voitures, tanks, armes) qui jonchent le sol, brûlent ou se décomposent. La fumée qui monte vers le ciel devient la forme ectoplasmique des objets, leur manifestation spectrale. Les objets détruits deviennent eux-mêmes une forme de mémoire collective : au-delà de cette guerre anonyme, ils évoquent la haine, incontrôlable, et sa transgression mécanique. Certains objets militaires sont pris dans une spirale spatio-temporelle. Ils font partie du rituel des machines : l’état d’immuabilité inhérent au concept de no man’s land s’applique aussi aux armes et à leur utilisation. Dans une inquiétante série de métamorphoses affectant le temps et l’espace, l’idée de no man’s land défie la perception normale d’une zone géographique, avant de déverser une étrange touche d’historicité où les opérations de guerre deviennent un déploiement rituel de matériel militaire.

Cette zone frontalière est inscrite dans un paysage de déserts et de montagnes. Le désert est le théâtre géographique idéal d’une description de l’humanité – espace infini, minimal, inhospitalier. C’est aussi un lieu de méditation à forte teneur symbolique : les religions sont apparues dans le désert, traverser un désert représente un voyage initiatique, de nombreux mystiques y ont eu des révélations. Mais aujourd’hui, le désert est aussi une image associée à la guerre : les conflits les plus présents dans les médias se déroulent dans des zones arides comme l’Irak, l’Afghanistan et la Palestine.

Dans Under the centipede sun, on voit les traces d’un méta-conflit, sans contexte politique ou idéologique apparent – un démon de l’histoire qui hante des espaces grandioses mais vides. Un état de crise permanente et inexplicable envahit le paysage, qui devient le théâtre d’une guerre, espace brûlé par les armes de l’homme puis brûlé à nouveau par un soleil torride et tout-puissant. Cette vidéo mêle la poésie des paysages lunaires à une approche expérimentale des images de la guerre contemporaine.

 

Mihai Grecu est né en Roumanie en 1981. Diplômé de l'ESAD Strasbourg et du Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, il vit et travaille à  Paris. Oscillant entre art vidéo, cinéma et animation 3D, son imagerie singulière met en œuvre, dans une atmosphère déshumanisée, des visions inquiétantes traversées par des objets parasitaires, architectures modifiées et personnages-symboles. Son travail est montré dans de nombreux festivals d’images (Locarno, Rotterdam, Festival du Nouveau Cinéma à Montréal) et dans des  expositions (Dans la nuit, des images au Grand Palais à Paris, Labyrinth of my mind au Cube, Studio à la Galerie Les filles du Calvaire, etc). Il a obtenu le prix art numérique de la SCAM 2010 pour sa vidéo Centipede Sun présentée à Vidéoformes 2010.
www.mihaigrecu.org


Justine EMARD (France)

Effet-écran

Installation multimédia, création en résidence, 2011

L’effet-écran est un terme cinématographique qui évoque l'occlusion d'une forme par une autre, qui se modifie par le mouvement, soit parce que la forme cachée se révèle davantage, soit parce qu'elle se trouve progressivement occultée.

 La création de cette installation multimédia s’est construite à partir d'observations et de recherches autour des dispositifs des drive-in-theaters. Lors d'une projection, les “intermissions”, entractes au milieu du film, interviennent comme des ellipses dans le déroulement de la narration et deviennent un moment à part entière dans le film.

Les systèmes sonores, transmissions radio ou haut parleurs physiques, créent un décalage image/son lorsqu’on quitte l’espace de projection ou stoppent le son brutalement lorsqu’on oublie de retirer le haut parleur.

L’installation Effet-écran explore les mécanismes de ces dispositifs tout en restant dans la périphérie de l’image et tend à transformer les arrangements des drive-in-theaters en une composition à l’aspect cinématographique.

L’installation rend compte de ses recherches durant sa résidence à Vidéoformes.

Justine Emard est née à Beaumont en 1987. Elle se passionne pour la vidéo et l'image dès l'âge de dix ans lorsqu'elle découvre la caméra VHS de ses parents. Étudiante à l'École Supérieure d’Art de Clermont Métropole (ESACM), elle part étudier à Oklahoma City (USA) en 2008 : ce sera une expérience décisive dans le développement de sa pratique et de sa réflexion. Ses vidéos ont été présentées à deux reprises lors du festival Vidéoformes dans une sélection de travaux d’étudiants de l’ESACM (Ecole Supérieure d’Art de Clermont Métropole). En 2010, elle obtient le DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique).
Sa recherche dans l’image se décline à travers plusieurs procédés : la photographie, la vidéo, l’installation, la réalité virtuelle. Ses différents travaux interrogent les notions d’image fixe et d’image en mouvement, les supports et modes de représentation de l’image.
Lors de ses études aux États-Unis, la disparition progressive de l’image, à l’oeuvre dans ses photographies et vidéos, va débuter à travers une enquête sur l’abandon des drive-intheaters (les cinémas en plein air américains).
Le dispositif cinématographique est pour elle une source d’inspiration. L'idée de projection (d’abord comme dispositif puis dans l’idée de la projection mentale) est centrale dans ses recherches et va l’amener à se concentrer sur l’idée de l’écran, fil conducteur de sa réflexion. L’intérieur du cadre devient poreux, ouvert sur le hors-champ du monde qui l’environne : la tache de rouille sur l’écran vide, les murs de la ville, le halo des phares de voitures qui se rallument...
justineemard.tk